Les Thérapies par Exposition à la Réalité Virtuelle
C’est lorsque l’on s'intéresse aux thérapies comportementales et cognitives que l’on peut découvrir que les nouvelles technologies (réalité virtuelle, jeux vidéo, serious games...) peuvent devenir de véritables outils au service de la thérapie pour traiter certains types de troubles. Les premières expériences d’exposition sous réalité virtuelle dans le cadre d’une thérapie ont eu lieu en 1992 et portaient sur les troubles anxieux. Elles se sont appuyées sur la théorie du traitement émotionnel de Foa et Kozac (1986), à savoir que si un EV peut générer de l’anxiété et activer les structures anxiogènes, il pourra devenir une alternative d’exposition. Comme dans l’exposition in vivo, l’information qui contredit les convictions anxieuses pourra être expérimentée et la modification de la structure anxiogène pourra se produire. Par conséquent, les émotions suscitées dans un EV participent grandement à l’expérience virtuelle et c’est même ce qui est à la base des thérapies d’exposition en psychiatrie. Dans le contexte des phobies, l’objectif est le plus souvent de créer des situations anxiogènes. Le réalisme des stimuli et l’induction des émotions, seront visés. De même pour les addictions dont l’objectif est de déclencher le craving. Le but principal de cette exposition étant de comprendre le fonctionnement cognitif et comportemental de l’individu et de réduire les effets d’objets entraînant de l’anxiété ou du craving en confrontant le patient à ces derniers pour l’aider à mettre en place des pensés et des comportements plus adaptés. De cette façon l’exposition à ces objets est progressive, contrôlée et adaptée au patient. Ces notions sont extrêmement importantes dans le cadre d’une thérapie. Les interfaces de VR sont développées afin que le patient accomplisse une activité déterminée ou soit soumis à une exposition précise.
Déroulement de la Thérapie
Bien que la plupart des études ne soient que des études de cas (Krijn, Emmelkamp, Olafsson & Biemond, 2004), des protocoles cliniques ont pu émerger, permettant de se diriger vers une démarche plus scientifique et de saisir davantage les composantes cognitives et comportementales en jeu dans ces thérapies. Les TCC avec réalité virtuelle représentent, en général, une dizaine de séances au cours desquelles le patient va apprendre dans un premier temps comment l’anxiété ou le craving sont générés, comment ils sont entretenus (consciemment ou inconsciemment) et dans un second temps comment modifier ses schémas cognitifs et remplacer ses comportements inadaptés pour réduire ses troubles anxieux et ses addictions et ainsi retrouver sa liberté autrefois perdue. Au fil des séances et en fonction de ses progrès, il sera proposé au patient d’augmenter la difficulté de l’exposition. Le but étant de provoquer par la mise en place et la révision des méthodes apprises, une diminution du niveau d’anxiété ou de craving pour le faire passer à l’étape suivante, l’exposition se faisant de façon graduée. Le thérapeute présent tout au long du processus intervient également pour commenter et analyser les éléments de la thérapie. De plus les patients sont invités à se confronter dès que possible (lorsque le thérapeute les sent prêts, généralement aux alentours de la 6ème ou 7ème séance) aux situations anxiogènes ou provoquant le craving dans le monde réel.
De la même façon que pour l’apprentissage d’un instrument de musique ou d’un sport, pour être efficace, l’exposition en réalité virtuelle doit être : progressive, répétée et prolongée. En général 15 à 20 minutes d’exposition suffisent une fois par semaine ou par quinzaine.
Patients Ciblés
Depuis les débuts de l’apparition de la réalité virtuelle au sein des thérapies, les études se sont multipliées, profitant des avancées de la technologie. La plupart se sont focalisées sur les troubles anxieux, mais les recherches concernant les désordres alimentaires, les troubles sexuels, les addictions, la dépression ou encore le contrôle de la douleur, se multiplient. En fonction des troubles et des difficultés des patients, la thérapie se voit réadaptée.

Les Bénéfices de l'ajout de la Réalité Virtuelle
Thérapie plus adaptée
Thérapie plus adaptée
La réalité virtuelle peut être utilisée pour pallier des difficultées rencontrées dans le traitement traditionnel des troubles anxieux et des addictions. Avec ce dispositif le thérapeute peut choisir une exposition adaptée à chaque patient en modulant également son intensité (possible également en temps réel). L’utilisation de la réalité virtuelle permet au patient de pouvoir répéter les différents scénarios choisis et ainsi de mieux s’adapter aux situations. Des situations difficiles à mettre en place dans la réalité comme une agression, se retrouver à plusieurs mètres au dessus du vide, une pause cigarette dans un bar de plage tropicale ou la rencontre avec certain type d’objets peuvent être simulées en réalité virtuelle grâce à un panel quasi-illimité de stimulis complexes, dynamiques et interactifs en 3D. Elle permet une exposition sous contrôle bien plus rassurante pour certains patients réfractaires à l'exposition in vivo. En effet, les patients éprouvent en général moins de réticence à affronter les objets de leurs angoisses avec cet outil puisqu'il ne s'agit pas de la réalité. Ce qui constitue un gros avantage pour réaliser une exposition car les progrès et les apprentissages acquis dans ces EV sont directement transposés dans la vie réelle.
Gain de temps et de moyens
Gain de temps et de moyens
Le rôle du thérapeute face à ces troubles psychologiques est d’accompagner le patient dans les situations qui le mettent en détresse. Malheureusement cela demande pas mal de ressources financières et temporelles. Pour certaines phobies comme l’aviophobie (la peur de l’avion) par exemple, il serait difficile et très cher de mettre en place une exposition réelle à la situation anxiogène. L’un des avantages de la réalité virtuelle c’est que l’on peut simuler virtuellement et de façon plus économique les situations spécifiques qui angoisse le patient (préparation des bagages, embarquement, décollage de l’avion, atterrissage...). De plus cette simulation de la réalité peut se faire de façon répétée durant la même séance (10 décollages en 30 min de séance par exemple). Ces avantages s’appliquent aussi aux situations déclenchant le craving. Ainsi on peut simuler une pause café au travail, des embouteillages ou encore une soirée dans un bar tropical.
Les Limites
Ces simulations sensorielles artificielles peuvent être à l’origine de perturbations sensori-motrices plus ou moins importantes lorsque les individus réagissent mal à l’interface virtuelle. Les différents types de maladie provoqués par la VR peuvent s’apparenter au mal de mer ou des transports, particulièrement lorsqu’une personne assise dans la réalité est en mouvements dans l’univers virtuel. Les principaux symptômes observés sont les suivants : étourdissements, désorientation, nausées, vomissements ou symptômes oculo-moteurs. Ils peuvent perdurer plus de 24 heures après l’exposition à la VR.
La cause exacte de ces maladies de simulation demeure inconnue, mais la théorie du conflit sensoriel (Reason & Brand, 1975) et la théorie de l’instabilité posturale (Riccio & Stoffregen, 1991) apportent des éléments de réponse. La théorie du conflit sensoriel postule que toutes les situations provoquant des maladies de simulation présentent un réarrangement sensoriel dans lequel les yeux, le système vestibulaire (responsable de l’ouïe et de l’équilibre) et les systèmes de proprioception non vestibulaires reçoivent des signaux différents les uns des autres, mais aussi différents de ceux attendus, des expériences passées. La théorie de l’instabilité posturale suggère plutôt que les maladies sont dues au maintien prolongé d’une posture instable. Cette dernière théorie serait néanmoins insuffisante pour expliquer la cause de ces maladies, notamment lorsque le participant est parfaitement immobile et que le mouvement est seulement simulé visuellement. Plus récemment, la théorie des mouvements oculaires (Ebenholtz, 2001) a vu le jour. Elle postule que des mouvements oculaires spécifiques, le nystagmus optocinétique (mouvements oculaires rapides de suivi d’objets cibles jusqu’aux limites de la scène visuelle) et les réponses oculo-vestibulaires (garder un objet-cible dans la fovéa lorsque la tête tourne) seraient à l’origine de ces maladies ainsi que de maux de tête, de tensions dans les yeux et de difficultés à se concentrer.
Heureusement, une exposition répétée à la VR peut conduire à une diminution des symptômes et une habituation. De même, plus l’individu se sent impliqué et présent dans la réalité virtuelle moins il sera susceptible d’être malade (Gavgani, Nesbitt, Blackmore & Nalivaiko, 2017). Par ailleurs, il semblerait que lorsque les individus gèrent leurs mouvements uniquement avec un casque de réalité virtuelle cela soit plus perturbant que s’ils bénéficient aussi d’un contrôle manuel. Il est par conséquent préférable de combiner le processus de mouvement avec une manette ou une télécommande. Si toutefois cela n’est pas suffisant il existe d’autres moyens de pallier ces symptômes, soit par des médicaments contre les nausées ou les maux de tête, soit par des exercices de coordination oculo-moteurs visant à recalibrer le système vestibulaire (Champney et al. 2007). Dans la conception des interfaces, il est conseillé d’inclure une « ancre » visuelle, c'est-à-dire un objet fixe sur lequel le participant pourra focaliser son attention pour réduire le sentiment de désorientation et tous les symptômes mentionnés précédemment (Whittinghill, Ziegler, Case & Moore, 2015).